Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
ESCAL-VIGOR

décisive confrontation. Aussi, cette impression complexe ne pourra-t-elle se définir que par les phases successives de ce récit. En somme, Henry imposait étrangement à la pieuse Blandine. Dans ce coup de foudre préparé par un véhément afflux de sympathies, entrait un mélange de crainte, de navrance et d’admiration, peut-être même un peu de cette pitié occulte que nous éprouvons devant les choses rares, éphémères presque incompatibles avec la vie conforme.

— Ah, c’est mademoiselle Blandine, sans doute ! La petite fée dont bonne maman m’a fait un si chaleureux éloge ! dit le jeune homme en tendant la main à la camériste. Je vous suis bien, bien reconnaissant de vos soins pour elle ! ajouta-t-il avec un peu de timidité.

Les deux jeunes gens ne tardèrent pas à se traiter sur un pied de camaraderie. Sous des allures enjouées Blandine cacha le profond et grave amour qui la possédait. Était-ce parce qu’elle se savait acquise à Kehlmark pour la vie qu’elle ne recourut à aucun des manèges par lesquels la femme s’attache un amoureux ? Cette absence de coquetterie contribua à mettre à l’aise cet adolescent timide et quinteux, inapte aux façons galantes. Il y