Page:Germain - Œuvres philosophiques, 1896.djvu/184

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l’histoire nous rapporte sur l’influence des différents modes. Et comment parviendrait-on à s’en rendre compte, lorsqu’on s’obstine à ne regarder la musique que comme l’art de flatter l’oreille ? Réduite à cet unique usage, pourrait-elle être l’objet d’une attention sérieuse ? Aurait-elle produit les merveilles que les anciens nous racontent ? Mais ces merveilles cesseront de nous étonner, lorsque, en comparant les moyens usités en musique à ceux que l’orateur met en œuvre, nous aurons fait ressortir dans tout son jour cette vérité, reconnue seulement par un petit nombre de personnes, qui craignent même de l’énoncer, que la musique est une langue, et une langue énergique. Elle emploie les sons ; mais les sons ne la constituent pas. Elle a ses phrases, ses périodes, ses règles, ses hardiesses. Ses beautés flattent l’oreille, mais ne s’y arrêtent pas ; elles pénètrent l’âme et peuvent exercer sur elle un empire véritable. Ainsi la poésie emploie des sons articulés agréables à l’oreille, et l’on aurait néanmoins une idée fort incomplète du charme qui s’y attache, si l’on oubliait le sens des phrases pour ne s’occuper que de leur nombre.