Page:Germain de Montauzan - Les Aqueducs antiques, 1908.djvu/347

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 303 —

chantier. Il faut se représenter tout l’ensemble : les matériaux entassés, les treuils en mouvement, les chèvres dressées et leurs haubans tendus, les fardeaux traînés et soulevés, toutes les catégories d’ouvriers occupées à la fois, grâce au soin pris d’échelonner les différentes phases du travail aux différents points, de façon à ne jamais laisser une équipe oisive. Tandis que le parement se dresse à une pile dont on tisse le réticule, on tasse le blocage à sa voisine ; plus loin, l’on travaille à en relier deux autres par l’arcature. Au milieu, le chef de chantier, ses tablettes à la main, calcule, dispose et presse la besogne.

On peut se figurer de même la marche de la construction en sous-sol. Deux ou trois carriers et autant de terrassiers sont en avant, à quelque cinquante mètres, occupés à ouvrir et à déblayer la tranchée, tandis que derrière deux caementarii élèvent les piédroits, un autre sur le bord confectionnant le mortier ; derrière encore des ruderarii garnissent, de béton le fond du radier, et ainsi de suite. Après eux on rencontre les tectores, puis les arcuarii qui scellent la voûte et enfin les terrassiers qui remblaient le vide; ces différentes équipes échelonnés occupant une longueur de 100 à 150 mètres et comprenant, en tout une vingtaine d’hommes, sans compter les manœuvres qui font circuler les matériaux[1].

Nous ne savons pas quelle pouvait être exactement la durée du travail journalier dans ces entreprises de construction d’aqueducs. Elle devait être la même que pour tous les autres travaux publics.

  1. i. Il peut être intéressant de comparer ce chantier antique avec un chantier de construction d’aqueduc à notre époque. Voici comment M. de Montgolfier décrit le travail dans la tranchée à l’aqueduc du Furens (Annales des ponts et chaussées, 1875). « La construction était effectuée par quatre brigades de maçons. La première brigade construisait le radier, sans lui donner la forme concave du projet ; la deuxième brigade construisait les piédroits jusqu’aux naissances. Elle était guidée dans son travail par des gabarits taillés suivant la section intérieure de l’aqueduc et placés à un mètre de distance dans les courbes et à 5 mètres de distance dans les parties droites. Ces gabarits en planches étaient maintenus dans le bas par des tasseaux en ciment et de chaque côté de la fouille par un étai s’appuyant contre le talus de déblais. La troisième brigade construisait la voûte; à cet effet les cintres brisés suivant la génératrice du sommet ayant 1m,50 de longueur et formés de couchis de 0m,02 cloués sur trois formes demi-circulaires étaient placés sur des étais en bois reposant sur le radier. Lorsque la maçonnerie de la voûte avait fait prise, on décintrait. La quatrième brigade donnait au radier sa forme concave à l’aide d’un rocaillage dans l’angle des piédroits, enlevait les bavures du mortier, remplissait les joints, badigeonnait la surface au pinceau et construisait l’enduit en ciment de 0m,03 sur le radier et les piédroits. Pour terminer le travail, il ne restait plus ensuite qu’à recouvrir l’extrados d’une chape en mortier de ciment de 0m,015 d’épaisseur. »