Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/215

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eux il n’y a pas de milieu) vînt me reconnoître ; et prendre ma lettre que je leur remis de ma part. Je les caressai ; je leur dis trente mots turcs que je sais. Cela fit sourire deux ou trois moustaches. Mais les autres me firent une terrible peur en me considérant. Je me souvins qu’ils pouvoient m’avoir vu tirer à leur barbe, sur les bords de la Save, des aigles et des hirondelles de mer. J’avois un grand manteau blanc, un mauvais chapeau rabattu. J’entendis qu’ils demandoient à mon interprète qui j’étois ? il répondit que j’étois le secrétaire du séraskier de Semlin, pour la correspondance françoise. Le plus vilain des Turcs, avec une mine infernale, me prit ma lettre assez brusquement, pour la porter au Bacha. J’en fus quitte pour être un moment assez mal à mon aise, et je m’en retournai, à force de rames, le plus vite que je pus.

Adieu, mon cher S… je vous quitte pour voir dix beaux et longs bataillons de renfort qui m’arrivent d’Autriche. Puissé-je bientôt m’en servir ! Je voudrois qu’on me permît de passer la Save à Sabalsch, pour aller voir s’il y a réellement un Abdy Bacha, comme on me l’annonce toujours, ainsi que l’arrivée prétendue du Bacha de Trawnick, et du fameux Mahmoud de Scutari : je voudrois balayer la