Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/232

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Sa mémoire, ménagée dans sa jeunesse, en devint peut-être phis excellente ensuite ; car il n’oublioit ni un mot, ni une affaire, ni une figure : il se promenoit dans sa chambre avec celui à qui il donnoit audience, lui parloit presque avec effusion et d’un air riant, le prenoit par le coude, puis il paroissoit s’en repentir, et il reprenoit l’air sérieux. Il s’interrompoit souvent pour mettre une bûche dans sa cheminée, ou prendre les pincettes, ou aller un moment à la fenêtre. Il n’a jamais manqué de parole : il se moquoit du mal qu’on disoit de lui. Il alarma le Pape, le Grand-Turc, l’Empire, la Hongrie, la Prusse et les Pays-Bas. La crainte d’être injuste et de faire des malheureux, en soutenant à main armée ce qu’il avoit commencé, arrétoit ses projets, qui étoient presque toujours l’effet de son premier mouvement.

C’est à l’agitation du sang de Joseph II qu’il faut attribuer l’inquiétude de son règne : il n’achevoit ni ne polissoit aucun de ses ouvrages, et son seul tort a été de tout esquisser, le bien comme le mal.

Cette lettre de Joseph II fera mieux juger son ame que tout ce que je pourrois en dire.