Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le poltron ne calcule pas bien. L’incertitude d’un coup d’épée ou d’un coup de fusil devroit se comparer à la certitude du déshonneur et à la probabilité de vingt mauvaises affaires qu’il faudra soutenir pour ne s’être pas bien présente à la première. Les poltrons finissent toujours par être tués.

Un mot, une inflexion, le son de la voix, un geste, un regard, un rien fait couler des torrens de pleurs quand on est affligé. Les nerfs sont alors comme un instrument que le vent, le bruit d’une porte fait résonner : c’est une sorte de magnétisme. De la disposition où l’on est, et de la manière dont on apprend la perte de ce qu’on aime, dépend peut-être la vie. C’est un hasard qu’on ne meure pas sur-le-champ. Quelquefois on ne croit pas son malheur, on s’imagine rêver ; on attend la personne qui a disparu. Hélas ! un froid glacial succède à cette espèce de délire ; une suspension totale de ses facultés, un oubli de tout, et de soi-même : et puis un poids affreux dont il est impossible de se débarrasser. L’inquiétude bannit le sommeil. Heureux ceux qui ont des sujets d’inquiétude : mais lorsque le malheur est arrivé,