Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/295

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noissance, et souvent même en estimant fort peu la personne. Y a-t-il un cas plus embarrassant ? vous devez manquer à la reconnoissance ou à la vérité. Vous faites peut-être du tort à bien des gens de peur d’être ingrat. Vous vous croyez forcé à dire du bien de cet obligeant importun. Il a voulu faire des dupes, vous êtes son complice. Vous n’avez pas assez de caractère pour ne pas craindre de manquer de caractère.

IL est bien aisé de se débarrasser de la reconnoissance. Vous êtes négligeant envers votre bienfaiteur, il en est blessé, et vous insinue qu’il méritoit mieux de vous. Alors vient le fameux vers :

Un bienfait reproché tient toujours lieu d’offense.

Et voilà l’ingrat acquitté.

LE plaisir qu’on reçoit de la louange n’est pas égal à la peine que fait la critique. On prend l’une pour un compliment, et l’autre pour une vérité.

On est trompé souvent par la confiance ; mais on se trompe soi-même par la méfiance.