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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/294

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de la justice de ne pas faire justice. Il y a justice de sévérité, et justice de bonté. Si après avoir bien pesé avec cette balance, et même levé ce glaive menaçant, le voile cependant l’empêchoit de voir tout ce qu’il faudroit punir, la justice seroit peut-être aussi juste. Si tout en voyant elle pardonnoit, ce seroit clémence. Je ne veux pas que toujours elle pardonne, mais je veux que son examen et son jugement ne se fassent pas avec la volonté de punir. Il y a tant de petites nuances imperceptibles à suivre, dont on ne peut pas rendre compte, et qui permettent cependant de justifier l’action ou d’adoucir la peine ! Il y a beaucoup d’esprit dans la bonté ; elle suppose même plus de pénétration que le blâme : car ce qu’il y a de meilleur dans les hommes est souvent caché au fond de leur ame.

Je crois avoir dit cent fois ce que je pensois de l’ingratitude, qui me paroît un monstre. Mais on devroit demander la permission de rendre service ; car si quelques bienfaits dont on ne se soucie pas d’un homme dont on ne se soucie pas, vous tombent sur le corps, vous voilà contraint à lui en être obligé toute votre vie, souvent sans grand sujet de recon-