Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les méchans se mettent en garde, et les sots aussi. Les bons et les gens d’esprit, jamais. Les méchans croient lire dans les yeux qu’on les a devinés, les sots se méfient de tous ceux à qui ils trouvent de la supériorité. Les hommes bons ou spirituels ont assez bonne opinion des autres pour s’en croire aimes.

IL me semble que ce que nous prenons le plus tôt et quittons le plus tard, c’est l’importance. Les enfans font les nécessaires. Les vieillards s’imaginent que de vieillir est déjà un mérite. Leur œuvre dernière, leur testament, se fait même avec une sorte d’orgueil.

UNE plaisanterie attire souvent des querelles. Il y a cependant une manière de les faire ou de les prendre gaiement, lorsqu’elles peuvent avoir des suites, qui peut sauver un coup d’épée ou une brouillerie. Mais il faut avoir l’esprit bien fait et une réputation bien établie. C’est manque de jugement si l’on risque des plaisanteries avec ceux qui ne sont pas de force à en faire à leur tour : ils se fâchent alors, faute de moyens, et croient sauver le petit moment de dégoût qu’ils