Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/32

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demanda deux fois qui c’étoit et où il étoit, et me dit qu’il avoit la vue si basse que je devois le lui pardonner. — Mais cependant, Sire, lui dis-je, à la guerre vous l’aviez bien bonne et, si je m’en souviens bien, fort étendue. — Ce n’est pas moi, me répondit le Roi ; c’étoit ma lunette. — En vérité, lui dis-je, j’aurois bien voulu la trouver ; mais je crains bien qu’elle n’eût pas été mieux à mes yeux que le sabre de Scanderberg à mon bras. — Je ne sais comment la conversation changea, mais je sais qu’elle devint si libre que, voyant arriver quelqu’un pour s’en mêler, le Roi l’avertit d’y prendre garde, et qu’il y avoit du risque de s’entretenir avec un homme condamné aux feux éternels par les théologiens. Je trouvai qu’il mettoit un peu trop de prix à sa damnation et s’en vantoit trop. Indépendamment de la mauvaise foi de messieurs les esprits forts, qui très-souvent craignent le diable de tout leur cœur, c’est de mauvais goût au moins de se montrer ainsi ; et c’étoit avec des gens de mauvais goût qu’il avoit eus chez lui, comme un Jordans, d’Argens, Maupertuis, La Beaumelle, La Mettrie, l’abbé de Prades et quelques lourds impies de son académie, qu’il avoit pris l’habitude de dire du mal de la religion et de parler dogme, Spinozisme, cour de Rome etc. Je ne