Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/325

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Écrit-elle ? sa plume, même en vers, a l’air de voler toute seule. La saillie, la repartie, le trait, rien n’est étranger ni particulier à son esprit. Il y arrive, non comme ces beaux diseurs de profession qui guettent l’occasion d’un bon mot, ainsi que des chasseurs à l’affût, mais comme la nature qui prodigue sans entasser, et sait encore donner à tout ce qu’elle fait la grâce du hasard.

Éléonore tireroit parti de toutes les sociétés comme de toutes les situations. Après avoir été à Paris une maîtresse de maison fort aimable, et une jolie femme qui se déroboit à la mode pour ne s’occuper que de ses talens et ses amis, elle a su être fermière au fond de la Pologne, elle a su long-tems s’y suffire, vivant seule, au milieu des sapins et des loups. Elle y étoit seule mais croyez-vous qu’elle y fût pour elle ?

Éléonore, dont l’entretien est toujours amusant, ne croit pas aux ennuyeux. Il est vrai qu’ils gagnent avec elle. Sa bonté aidée de son esprit démêle tout de suite le côté favorable de chacun, et sait en profiter pour le faire valoir. Elle trouvera le moyen de découvrir ce qui intéresse la personne la plus commune, de lui en parler comme si elle s’y intéressoit aussi, et de lui faire du bien en ayant l’air d’y prendre plaisir.