Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/48

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alloit lui échapper ; et je mourois de peur qu’au milieu de ses boules, il ne se souvînt que j’étois Autrichien. Comment, me disois-je, pas une seule épigramme sur nous, sur notre maître ? Quel changement !

Le brise-raison Pinto, à table, dit un jour à son voisin : — L’Empereur est un grand voyageur ; il n’y en a jamais eu qui ait été plus loin que lui. Je vous demande pardon, Monsieur, dit le Roi ; Charles-Quint alla en Afrique : car il y gagna la bataille d’Oran. Et, se retournant vers moi sans que je pusse deviner s’il y avoil de la plaisanterie, ou seulement de l’historique dans cela, il me dit : l’Empereur est plus heureux que Charles XII ; il est entré comme lui par Mohilow ; nais il me semble qu’il ira à Moscow. Le même Pinto disoit un jour au Roi, embarrassé de savoir qui il enverroit dans les pays étrangers comme Ministre : Pourquoi ne songez-vous pas à M. de Lucchesini, qui est un homme d’esprit ? C’est pour cela, répond le Roi, que je veux le garder ; je vous enverrai plutôt que lui, ou un ennuyeux comme M. un tel : — et il le nomma tout de suite ministre je ne sais où.

M. de Lucchesini, par l’agrément de sa conversation, faisoit valoir celle du Roi. Il savoit sur quoi il lui étoit agréable de la faire tomber ;