Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vent, dans une petite chaloupe. Même pour qu’il y eût de tout, nous avons essuyé une tempête, où deux ou trois galères ont échoué sur des bancs de sable. Notre Cléopâtre ne voyage pas pour séduire des Marc-Antoine, des Octave et des Césars. Notre Empereur est déjà séduit par l’admiration. Cléopâtre n’avale point des perles, mais en donne beaucoup : elle ne ressemble à l’ancienne que parce qu’elle aime les belles navigations, la magnificence et l’étude. Elle a certainement donné plus de 200 mille volumes aux bibliothèques de son Empire. C’étoit le nombre si vanté de celle de Pergame, avec laquelle la Reine d’Égypte rétablit celle d’Alexandrie. Après les fêtes de Krementczuck, données par le prince Potemkin, qui, dans un jardin anglois vraiment magique, avait fait transplanter des arbres étrangers aussi gros que lui, nous sommes débarqués aux cataractes de Keydac, ancienne capitale des Zaporogues, brigands aquatiques. L’Empereur Joseph est venu à notre rencontre, au milieu de tous les prestiges de féerie qui se sont renouvelés à notre arrivée. Ce qui l’a le plus étonné et intéressé, car il est grand musicien, c’est une cinquantaine d’ut, de ré, de mi, un concert enfin dans lequel plusieurs musiciens