Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un autre : jusqu’à ce que j’entre dans celle de Caron, je ne cesserai point de vous aimer et de vous le dire.


LETTRE III.

De Cherson


La flotte de Cléopâtre est partie de Kiovie dès qu’une canonade générale nous a appris le débâcle du Boristhène. Si on nous avoit demandé, quand on nous a vu monter sur nos grands ou petits vaisseaux, au nombre de 80, avec trois mille hommes d’équipage : que diable alloient-ils faire dans ces galères ? nous aurions pu répondre : nous amuser ; et voguent les galères. Car jamais il n’y a eu une navigation aussi brillante et aussi agréable. Nos chambres étoient meublées de taffetas chiné, avec des divans ; et lorsque chacun de ceux qui, comme moi, accompagnent l’Impératrice, sortoit ou rentroit dans sa galère, douze musiciens, au moins, que nous avons sur chacune, célébroient notre sortie et notre rentrée ; il y avoit quelquefois un peu de danger pour y revenir le soir, en quittant, après souper, la galère de l’Impératrice, puisqu’il falloit remonter le Boristhène, et souvent contre le