Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/65

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éclairoit les monts, les plaines et les eaux, mieux que le plus beau soleil en plein jour, et doroit ou enflammoit la nature. Nous ne savons plus ce que c’est que la nuit.

L’Impératrice n’a jamais si bien connu les charmes de la société ; et comme nous sommes un ou deux qui ne jouons jamais, elle nous sacrifie la petite partie qu’elle faisoit autrefois par contenance. L’autre jour le grand-écuyer Narischkin, le meilleur et le plus enfant des hommes, lance au milieu de nous une toupie dont la tête étoit plus grosse encore que la sienne. Après un bourdonnement et des sauts qui nous amusèrent beaucoup, elle éclate en trois ou quatre morceaux, avec un sifflement affreux, passe entre S. M. I. et moi, blesse une couple de nos voisins et frappe à la tête le prince de Nassau l’invulnérable, qui a été se faire saigner deux fois. L’Impératrice nous dit hier à table : — Il est bien singulier que le vous, qui est au pluriel, se soit établi ; pourquoi a-t-on banni le tu ? — il ne l’est pas, lui dis-je, Madame, et peut encore servir aux grands personnages, puisque J. B. Rousseau dit à Dieu : Seigneur, dans ta gloire adorable, et que Dieu est tutoyé dans toutes nos prières, comme : Nunc demittis servum tuum, Domine. Eh bien, pourquoi donc, Messieurs, me traitez-vous avec