Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/71

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des corps, est plus serrée que celle de madame de L, ; quand je trouve ici des Mourzas mieux mis que la duchesse de Choiseuil aux bals de la Reine, des officiers de Cosaques ayant plus de goût que Mlle Bertin pour se draper, et des meubles et vêtemens dont les couleurs sont aussi harmonieuses que celles de madame Lebrun dans ses tableaux, je ne reviens pas de mon étonnement. De Stare Krim, dont on a fait un palais pour y coucher une seule nuit, je découvre ce qu’il y a de plus intéressant dans deux parties du monde, et presque jusqu’à la mer Caspienne : je crois que c’est une parodie de la tentation de Satan, qui ne montra jamais rien de si beau à Notre-Seigneur. Je vois du même point, en sortant de ma chambre, la mer d’Azoph, la mer Noire, la mer de Zabache, et le Caucase. Le coupable qui y fut mangé (éternellement, je crois) par un vautour, n’avoit pas dérobé autant de feu que vous en avez dans les yeux et l’imagination ; du moins votre furet subtil et fou, l’abbé d’Espagnac, le diroit ainsi.

Je crois encore rêver quand, dans le fond d’une voiture à six places, qui est un vrai char de triomphe, orné de chiffres en pierres brillantes, je me trouve assis entre deux personnes, sur les épaules desquelles la chaleur m’assoupit