Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/72

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souvent, et que j’entends dire en me réveillant, à l’un de mes camarades de voyage : — J’ai trente millions de sujets, à ce qu’on dit, en ne comptant que les mâles. — Et moi vingt-deux, répond l’autre, en comptant tout. — Il me faut, ajoute l’une, au moins une armée de six cents mille hommes, depuis Kamtschatka jusqu’à Riga. Avec la moitié, répond l’autre, j’ai juste ce qu’il me faut.

Ségur vous mandera combien ce camarade impérial lui a plu. Ségur a plu, en revanche, beaucoup à l’Empereur : ce monarque enchante tous ceux qu’il voit. Dégagé des soins de son empire, il fait le bonheur de ses amis par sa société. Il n’a eu qu’un petit moment d’humeur, l’autre jour, lorsqu’il a reçu des nouvelles de la révolte des Pays-Bas. Tous ceux qui avoient des terres en Crimée, comme tous les Mourzas, et ceux à qui l’Impératrice en a donné, comme moi, par exemple, lui ont prêté serment de fidélité » L’Empereur est venu à moi, et, me prenant par le ruban de ma toison, il m’a dit : — Vous êtes le premier de l’ordre qui ait prêté serment avec des seigneurs à barbe longue. — Il vaut mieux, lui dis-je, pour V. M. et pour moi, que je sois avec les gentilshommes Tartares qu’avec les gentilshommes Flamands.