Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/79

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hospitalière. Leur tranquille séjour est marqué par des pierres couronnées de turbans, dont quelques-uns sont dorés, et par des espèces d’urnes cinéraires en marbre, mais grossièrement construites. La variété de tous ces genres de spectacles, qui donnent à penser, me dégoûte d’écrire : je m’étends sur mes carreaux, et je réfléchis.

Non, tout ce qui se passe dans mon ame ne peut se concevoir ; je me sens un nouvel être. Échappé aux grandeurs, au tumulte des fêtes, à la fatigue des plaisirs et aux deux Majestés Impériales de l’Occident et du Nord, que j’ai laissées de l’autre côté des montagnes, je jouis enfin de moi-même. Je me demande où je suis, et par quel hasard je me trouve ici ; et, sans m’en douter, je fais une récapitulation de toutes les inconséquences de ma vie.

Je m’aperçois que, ne pouvant être heureux que par la tranquillité et l’indépendance, qui Sont en mon pouvoir, et porté à la paresse du corps et de l’esprit, j’agite l’un sans cesse par des guerres, ou des inspections de troupes, ou des voyages, et que je dépense l’autre pour des gens qui souvent n’en valent pas la peine. Assez gai pour moi, il faut que je me fatigue à l’être pour ceux qui ne le sont pas. Si je suis un instant occupé de cent choses qui me