Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passent par la tête dans une minute, ils me disent : vous êtes triste, c’est de quoi le devenir ; ou bien : vous vous ennuyez, c’est de quoi me rendre ennuyeux.

Je me demande pourquoi, n’aimant ni la gêne, ni les honneurs, ni l’argent, ni les faveurs, étant tout ce qu’il faut pour n’en faire aucun cas, j’ai passé ma vie à la cour dans tous les pays de l’Europe.

Je me rappelle que des espèces de hontes paternelles de l’Empereur François I.er, qui aimoit les jeunes gens bien étourdis, m’avoient d’abord attaché à lui ; qu’aimé ensuite d’une de ses amies, cela m’avoit long-tems fixé à sa cour ; car après avoir perdu, comme de raison, les bontés de cette charmante femme, celles de notre souverain me demeurèrent. A sa mort je me croyois, quoique très-jeune, un seigneur de la vieille cour, et j’étois déjà prêt à critiquer la nouvelle, sans la connoître, lorsque je m’aperçus que le nouvel Empereur savoit aussi être aimable et avoir des qualités qui font qu’on cherche plutôt son estime que sa faveur !

Certain qu’il n’aimoit pas à marquer de préférences, je pus me livrer à mon penchant pour sa personne, et, tout en blâmant la trop grande rapidité de ses opérations, j’en admirai