Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/84

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confiante et séduisante de Catherine-le-Grand me captive ; et c’est son génie qui m’a conduit dans ce séjour enchanté.

Je le parcours des yeux ; je laisse reposer mon esprit, qui vient de me prouver que je n’avois point de tête, en me retraçant l’enchaînement de circonstances qui m’ont toujours fait faire ce que je ne voulois pas.

La nuit sera délicieuse. La mer, fatiguée du mouvement qu’elle s’est donné pendant le jour, est si calme qu’elle ressemble à un grand miroir, dans lequel je me vois jusqu’au fond de mon cœur. La soirée est admirable ; et j’éprouve dans mes idées la même clarté qui règne sur le ciel et sur l’onde.

Pourquoi, me dis-je à moi-même, suis-je occupé à méditer sur les beautés de la nature, plutôt que d’en jouir dans le doux repos dont je suis idolâtre ? c’est que je m’imagine que ce lieu-ci m’inspirera, et qu’au milieu de tant d’extravagances il me viendra peut-être une pensée qui fera du bien ou du plaisir à quelqu’un.

C’est peut-être ici qu’Ovide écrivoit ; peut-être il étoit assis où je suis. Ses élégies sont de Ponte : voilà le Pont-Euxin ; ceci a appartenu à Mithridate, Roi de Pont ; et comme le lieu de l’exil d’Ovide est assez incertain,