Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/83

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Mon fils Charles épouse une jolie petite Polonoise. Sa famille nous donne du papier au lieu d’argent comptant. C’étoient des prétentions sur la cour de Russie. Je me fais, on me fait Polonois en passant. Un fou d’Évêque, pendu depuis ce tems-là, oncle de ma belle-fille, s’imagine que j’ai été tout au mieux avec l’Impératrice de Russie, parce qu’il apprend qu’elle m’a traite à merveille, et se persuade que je serai Roi de Pologne, si j’ai l’indigénat. Quel changement, dit-il, dans la face des affaires de l’Europe ! Quel bonheur pour les Ligne et les Massalsky ! Je me moque de lui. Mais il me prend envie de plaire à la nation rassemblée pour une diète ; la nation m’applaudit. Je parle latin ; j’embrasse et caresse les moustaches. J’intrigue pour le Roi de Pologne, qui est lui-même un intrigant, comme tous les Rois qui ne restent sur le trône qu’à condition de faire la volonté de leurs voisins ou de leurs sujets. Il est bon, aimable, attirant ; je lui donne des conseils, me voilà tout-à-fait lié avec lui.

J’arrive en Russie : la première chose que j’y fais c’est d’oublier le sujet de mon voyage, parce qu’il me paroît peu délicat de profiter de la grâce avec laquelle on me reçoit chaque jour, pour obtenir des grâces. La simplicité