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Histoire de Dom B…

Le plaiſir eſt d’un naturel vif & ſemillant : s’il étoit poſſible de le comparer à quelque choſe, je le comparerois à ces feux qui ſortent bruſquement de la terre, & qui s’évanoüiſſent au moment que votre œil, frapé par l’éclat de leur lumiere, cherche à en pénétrer la cauſe. Oüi, voila le plaiſir, il ſe montre & s’échape, l’avés-vous vû ? Non : les ſenſations qu’il a excités dans votre ame, ont été ſi vives, ſi rapides, qu’anéantie par la force de ſon impulſion, elle s’eſt trouvée dans l’impuiſſance de le connoître. Le vrai moyen de le tromper, de le fixer, de le forcer à demeurer avec vous c’eſt de badiner avec lui, de l’apeller, de le conſiderer, de le laiſſer échaper, de le rapeller, de le laiſſer fuir encore pour le retrouver ; enfin en vous livrant tout entier à ſes tranſports.

J’étois dans cette occupation, la nuit étoit déja fort avancée, j’allois finir mon badinage, pour m’abandonner au ſommeil, quand, malgré l’obſcurité, j’entrevis quelqu’un en chemiſe qui paſſoit aux pieds de mon lit, & qui diſparut dans l’inſtant. Je fus moins effrayé que reveillé par une pareille viſion. Je penſai que c’étoit cet Abbé

dont