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Histoire de Dom B…


auſſi élaſtique qu’à une jeune fille : je maniois, on me laiſſoit faire, je baiſois, je ſuçois avec toute la vivacité que l’idée de jeune & de jolie peut inſpirer, point de réſiſtance. Au contraire mon feu rallumoit celui de la belle : elle ceſſoit de ſoupirer, & ſe raprochoit inſenſiblement de moi, je m’aprochois d’elle, je fus bien-tôt en état de lui faire ſentir que je ſavois changer des ſoupirs de triſteſſes en ſoupirs d’amour. Je l’enconnai, ah, me dit-elle alors, mon cher Abbé, quel hazard a pû te conduire ici ? Que ton amour va me coûter de larmes ! Ce tendre diſcours m’auroit arrêté tout court, ſi le tranſport qui m’animoit m’eût permis de faire autre choſe que ſentir, que ſerrer tendrement ma Nimphe, que repondre aux vives careſſes dont elle m’accabloit par des careſſes auſſi vives, que confondre mes ſoupirs avec les ſiens, & de ſceller enfin par des élancemens de volupté réciproques, les délices qui les avoient précédés.

L’extaſe finit : je me rapellai les paroles qu’on venoit de m’adreſſer. Où ſuis-je, dis-je alors ? Eſt-ce avec Françoiſe ? Quelle différence entre le plaiſir que je viens de goûter & celui que j’ai déja