Page:Gervaise de Latouche - Histoire de dom B… portier des chartreux, 1741.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
Portier des Chartreux.


va ; voila ma mere qui vient, & je… Ah ! Suzon, repris-je vivement, en l’empêchant d’en dire davantage, ma chere Suzon, ne lui dis rien, je te donnerai… tiens, tout ce que tu voudras : un nouveau baiſer fut le gage de ma parole. Elle en rit, Toinette arriva ; je craignois que Suzon ne parlât : elle ne dît mot, & nous retournâmes tous enſemble ſouper.

Depuis que le Pere Polycarpe étoit à la maiſon, il avoit donné de nouvelles preuves de la bonté du Couvent pour le prétendu fils d’Ambroiſe : je venois d’être habillé tout de neuf. En vérité ſa Révérence avoit en cela moins conſulté la charité monacale, qui a des bornes fort étroites, que la tendreſſe paternelle qui ſouvent n’en connoit pas. Le bon Pere, par une pareille prodigalité, expoſoit la légitimité de ma naiſſance à de violens ſoupçons. Mais nos manans étoient bonnes gens, & n’en voyoient pas plus que l’on ne vouloit leur en faire voir. D’ailleurs, qui auroit oſé porter un œil de critique & malin ſur le motif de la généroſité des Revérends Peres ? C’étoit de ſi honnêtes gens, de ſi bonnes gens ; on les adoroit dans le Village, ils faiſoient du