J’y conſens, nous dit-elle, & d’autant
plus volontiers, que Saturnin ne connoit
encore que ſa mere, ſans ſavoir
d’où elle vient, ni comment elle s’eſt
trouvée ici : permettez-moi, mes Révérends
de l’en inſtruire, & de remonter
un peu plus haut que ce jour que
vous ſouhaités que je vous rappelle.
Mon ami, continua-t’elle, en m’addreſſant
la parole, tu ne te vanteras pas
d’une longue ſuite d’ayeux illuſtres, je
n’en ai jamais connu : je ſuis fille d’une
Loueuſe de chaiſe de ce Couvent, &
ſans doute de qu’elqu’un des Peres qui
vivoient alors, car elle étoit trop vive,
& trop amie du Couvent, pour
que je puiſſe en conſcience penſer que
j’aye l’obligation de ma naiſſance à ſon
bonhomme de mari.
A dix ans, je ne démentois pas le ſang dont je ſuis née, & je connoiſſois l’amour avant que je me connûſſe. J’étois toûjours avec les Peres, ils ſe faiſoient un plaiſir de cultiver mes heureuſes inclinations. Un jeune Profés me donna des leçons ſi touchantes & ſi ſenſibles, que j’aurois cru payer les autres d’ingratitude, ſi je ne leur avois fait connoître que j’étois en état de leur en donner moi-même. Je m’étois