de que mon cœur, pour principe que
mon amour pour un mari qui m’auroit
adorée, je n’aurois pas connu la contrainte,
je n’aurois pas été eſclave de ces apparences
qui m’ont perduë ! mais pourquoi
m’abuſer ? j’aurois porté dans un
climat étranger le même cœur, la
même fureur pour l’amour, & ce caractere
m’y auroit perduë comme il
l’a fait ici.
Je fis à Verland le ſigne dont nous étions convenus, en cas que je ne puſſe pas exécuter le projet. Je remis à la premiere entrevûë à l’informer de mes raiſons, & cette entrevûë ne fut différée que juſqu’au lendemain. Nous nous trouvâmes à l’Egliſe ; il m’aborda ſans pouvoir me dire un mot, mais ſon viſage exprimoit tout ce qu’il ſentoit ; j’en fus éfrayée : m’aimez-vous, lui dis-je ? Si je vous aime, me repondit-il avec un tranſport de déſeſpoir qui l’empêcha d’en dire davantage. Verland, repris-je, mon cher Verland, je lis votre douleur dans vos yeux, mon cœur en eſt lui-même déchiré, plaignez-moi, plaignez-vous d’un défaut de courage, qui nous arracheroit pour toûjours à notre paſſion, ſi le déſeſpoir ne m’avoit fait