mais, cher Pere, eſt-ce avec toi que je
dois feindre ? Je me reproche déja cette
diſſimulation, aprend que cette prétenduë
femme de chambre n’étoit autre
que Martin, dont ta Sœur a dû te
parler en te contant mon Hiſtoire.
Je ne l’avois pas vû depuis notre ſéparation : il étoit encore auſſi joli, auſſi aimable, ſon menton étoit à peine couvert de quelques petits poils folets, blonds que j’avois grand ſoin de lui couper exactement. Martin étoit une jolie fille aux yeux de tout le monde, & ce n’étoit que pour moi qu’elle étoit un homme d’un prix ineſtimable.
Je n’avois pas fait miſtere à Martin de mon intrigue avec Verland. Trop heureux de me poſſeder, il ne s’embaraſſoit pas de partager ma poſſeſſion avec un ſecond : j’étois charmée de ſa docilité, je l’étois encore plus de ſa vigueur. J’avois arrangé ſagement mes plaiſirs ; Verland avoit le jour & Martin la nuit : ainſi les jours ſe levoient pour moi ſerains & délicieux, & ils ne diſparoiſſoient que pour faire place à des nuits auſſi voluptueuſes. Jamais mortelle n’a joüi d’une félicité plus parfaite ; mais le ſort des plaiſirs eſt d’être de peu de durée, & leur meſure eſt