yeux, je le reconnus. Martin étoit un
petit blond, éveillé, joli, amoureux :
ah, qu’il l’étoit ! Il trembloit à ſon tour,
& attendoit ma réponſe pour fuir ou
me baiſer encore ; je ne lui en fis pas,
mais je le regardai d’un air riant, avec
des yeux qui ſe reſſentoient encore du
plaiſir que je venois de goûter, il vit
bien que ce n’étoit pas un ſigne de colere,
il ſe jetta dans mes bras avec paſſion,
je le reçûs de même, & ſans penſer
que ſi quelqu’un s’apercevant que je
manquois dans le Couvent, pourroit
venir & nous trouver enſemble. Te dirai-je ?
l’amour rend tout excuſable :
ſans reſpect pour l’Autel ſur les marches
duquel nous étions, Martin me
pancha un peu, me leva les jupes, me
porta la main partout : auſſi paſſionnée
que lui, je portai la mienne à ſon Vit,
j’eus, pour la premiere fois de ma vie,
le plaiſir d’en manier un. Ah, que le
ſien étoit joli ! petit, mais long, & tel
qu’il me le falloit. Quel feu, quelle démangeaiſon
voluptueuſe ſe coula ſur le
champ par tout mon corps, j’étois muette,
je ſerrois ce cher Vit dans ma main,
je le conſiderois, je le careſſois, je l’aprochois
de mon ſein, je le portois à
ma bouche, je le ſuçois, je l’aurois ava-
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Portier des Chartreux.