Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avaient fait le premier essai de l’amour, tout m’attristait. Souvenirs agréables, combien je payais cher votre absence ! Devenu sans objet, ces idées ne m’occupaient plus sans douleur.

Mais voilà un garçon bien désœuvré, dira-t-on ; à quoi vous occupiez-vous, pauvre Saturnin ? Hélas ! je me branlais : c’était ainsi que j’oubliais mes peines.

Écarté un jour dans un lieu solitaire, où je me croyais sans témoin, je me dulcifiais avec une indolence voluptueuse. Un coquin de moine m’observait : il n’était pas de mes amis ; il parut si brusquement, que les bras me tombèrent de surprise. Je restai dans cet état exposé à la malignité de ses regards. Je me crus perdu ; je crus qu’il allait publier mon aventure, et sa façon de m’aborder me donna lieu de craindre. — Ah ! ah ! frère Saturnin, me dit-il, je ne vous croyais pas capable de faire de pareilles choses. Vous, le modèle du couvent ! vous, l’aigle de la théologie ! vous… — Eh ! morbleu ! interrompis-je brusquement, finissons ces éloges ironiques ; vous m’avez vu me branler, faites-en fête à tout le couvent, continuai-je ; amenez qui vous voudrez, je vous attends à la dixième décharge ! — Frère Saturnin, reprit-il de sang-froid, c’est pour votre bien que je vous parle : pourquoi vous branler ? Nous avons tant de novices ! c’est un amusement d’honnête homme. — Vous vous rangez sans doute dans cette classe, lui dis-je. Tenez, père André, vos discours m’im-