Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/163

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ouvrant son coffre-fort, les ris qu’il excitait dans le public aux dépens des auteurs essuyaient les larmes que ceux-ci lui faisaient verser dans le particulier.

Au sein de la littérature, il goûtait le plaisir de se satisfaire sans sortir de son cabinet. Les culs de ses myrmidons remplissaient ses désirs. Pour prix de leur complaisance, il leur abandonnait sa nièce, et la nièce acquittait les dettes de l’oncle. Le portier du couvent étant à la dévotion du père, tout entrait aisément : vin, viande, fille, rien n’était excepté. On avait préféré les orgues pour de semblables orgies, parce qu’on ne pouvait pas soupçonner qu’on passât la nuit dans l’église. Une autre raison, c’est qu’on était à portée d’assister aux offices, et cette exactitude empochait de babiller.

Malgré le soin que prenait le père Casimir pour conserver ses élèves, il en perdait toujours quelqu’un ; j’en dirai la raison : quelquefois l’ingratitude est le prix de l’obligation. Ces déserteurs se servaient contre le père des traits qu’il leur avait appris à aiguiser contre les autres. Un d’eux fit sur lui le sonnet qui suit :


Un jour dom Happecon, plus arrogant qu’un coq,
Las de sentir son vit aussi droit qu’une quille,
Sortit de son couvent, enfoncé dans son froc,
Et fut chez la Dupré demander une fille.

Le bougre qui jamais ne foutait qu’en escroc,
Pour qui cinq ou six coups n’étaient qu’une vétille.