Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gabrielle était si charmée de cette invention, qu’elle avoua qu’elle avait eu autant de plaisir qu’elle en avait goûté en me faisant. Curieux de savoir comment la chose s’était passée, nous la priâmes de la raconter. — J’y consens, nous dit-elle, et d’autant plus volontiers que Saturnin ne connaît encore que sa mère, sans savoir d’où elle vient ni comment elle s’est trouvée ici. Permettez-moi, mes révérends, de l’en instruire, et de remonter un peu plus haut que le jour que vous souhaitez que je vous rappelle. Mon ami, continua-t-elle en m’adressant la parole, tu ne te vanteras pas d’une longue suite d’aïeux illustres : je n’en ai jamais connu. Je suis fille d’une loueuse de chaises de ce couvent, et sans doute de quelqu’un des pères qui vivaient alors, car elle était trop vive jet trop amie du couvent pour que je puisse penser que je dois le jour à son bonhomme de mari.

À dix ans je ne démentais pas mon sang ; je connaissais l’amour avant de me connaître ; les pères cultivaient mes heureuses inclinations. Un jeune profès me donna des leçons si sensibles que j’aurais cru payer les autres d’ingratitude si je ne leur avais fait connaître que j’étais en état de leur en donner moi-même. Je m’étais déjà acquittée de mon devoir envers chacun d’eux, quand ils me firent la proposition de me mettre dans un endroit où je renouvellerais mes payements aussi souvent que je le voudrais. Je n’avais pu le faire jus-