Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/191

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d’admirer les beaux ouvrages du Créateur, surtout quand ce qu’ils ont de mondain se trouve réparé par tant de vertus célestes ? Ma vieille, enthousiasmée du tour que j’avais donné à ma curiosité, me dépeignit sa sainte, que je reconnus pour une brune piquante qui venait à nos offices. Père Siméon, me dis-je alors, voilà de nos dévotes ; ménageons celle-ci : elle pourrait bien vous rendre prophète. Crainte d’effaroucher la mère, je remis à une seconde séance d’engager sa fille à se ranger au nombre de mes pénitentes, et je lui donnai l’absolution, tant pour le passé que pour le présent. Je l’aurais même donnée pour l’avenir si elle avait voulu : cela ne coûte rien. Je l’engageai cependant à venir se rafraîchir souvent dans les eaux de la pénitence. Ainsi finit ma première expédition.

Il me semble que je vous entends crier : Allons, dom Saturnin, vous voilà dans le bon chemin ; vous êtes en train de vous guérir, à ce qu’il paraît. Oui, lecteur, oui, la sainteté du caractère dont je viens d’être revêtu commence à opérer ; Dieu soit loué ! Que la grâce est puissante ! Je bande déjà assez pour me faire croire que je banderai bientôt davantage.

Je ne manquai pas le lendemain d’aller à l’office : on s’imagine bien à quelle intention. Je vis ma brune qui priait Dieu de tout son cœur. La voilà, me dis-je, cette charmante enfant, ce modèle de toutes les vertus ! Ah ! quel plaisir de croquer un morceau aussi délicat ! Quel ravisse-