Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/204

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d’avance du plaisir de l’amour et de la vengeance. Verland parut : il était adorable ; mille grâces nouvelles animaient toutes ses actions ; le moindre sourire m’enchantait ; les paroles les plus indifférentes m’enflammaient ; à peine pouvais-je contenir mes désirs. Au milieu du tumulte, il trouva moyen de s’approcher de moi et de me dire : J’ai tout fait pour l’amour, ne fera-t-il rien pour moi ? Un coup d’œil fut ma réponse. Je sors, il s’échappe ; j’entre dans ma chambre, il m’y suit ; je m’élance sur mon lit, il se précipite sur moi. Dispense-moi de faire ici le récit des plaisirs que je goûtai, un seul mot te suffit pour te les faire connaître : toi seul, cher père, toi seul as été plus loin. Ô ma mère ! m’écriai-je, au milieu de nos transports, que ton injustice va te coûter cher.

Mon amant était un prodige ; nous restâmes ensemble une heure qui ne vit pas un moment d’intervalle. En vain les forces lui manquaient ; semblable à Antée, qui, luttant avec Hercule, ne faisait que toucher la terre pour réparer les siennes, mon amant me touchait et revenait à la charge avec plus de vigueur.

On nous cherchait partout ; on avait même frappé à ma porte. Nous nous séparâmes, crainte d’être suspectés. Verland gagna le jardin, où on le trouva, comme il l’avait prévu. On le railla, on lui fit la guerre. Un feint étourdissement vint à son secours, disant que, pour ne pas troubler les