Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/205

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plaisirs, il s’était retiré sans parler. Son air abattu, occasionné par la fatigue qu’il venait d’avoir, aidait à faire croire ce qu’il disait.

Ne doutant pas qu’on ne vînt encore me chercher dans ma chambre, je dérangeai la portière qui bouchait le trou de la serrure et me mis à demi prosternée devant un crucifix. Cela me réussit : on crut que les plaisirs n’avaient pu me déranger de mes pieux exercices ; de là une nouvelle estime, une espèce de vénération pour moi. Remise enfin de mon travail amoureux, je rejoignis la compagnie pour ne donner aucun soupçon, en affectant de me prêter par complaisance à des divertissements dont le plus doux avait déjà été pour moi.

Après le dessein formé de marier ma mère avec mon amant, je disposai tout pour faciliter le moyen de nous voir, pour prévenir toute surprise étant ensemble ; j’affectai plus de dévotion, ne voulant pas être interrompue dans mes prières ; j’accoutumai le monde à ne point frapper chez moi, la clef n’y étant pas. Verland, de son côté, accoutuma ma mère à son absence, prétextant des affaires et se coulant dans mes bras. Quoique contraints, nous n’étions pas dégoûtés de nos plaisirs : je les croyais éternels, un moment me détrompa. Je rencontrai un jour une jeune personne que j’avais connue autrefois ; je lui demandai ce qu’elle faisait en cette ville ; elle me dit qu’elle n’y était attachée à personne : je la pris pour ma femme de