Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/56

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pour le souffrir. Oui, je le souffrirais, je le seconderais, dût-il me déchirer, dussé-je en mourir ; je mourrais contente, pourvu qu’il me le mît. S’il me faisait de la douleur, reprenais-je, que les plaisirs qu’il me donnerait rendraient cette douleur bien douce ! Je le tiendrais dans mes bras, je le serrais étroitement, il me serrait de même ; je collerais sur sa bouche vermeille des baisers enflammés ; je les prodiguerais sur ses yeux, ses beaux yeux noirs pleins de feux ; il me tiendrait dans ses bras ; quelle volupté ! Il répondrait à mes transports par des transports aussi vifs ; j’en ferais mon idole ! Oui, je l’adorerais : un beau garçon comme lui mérite de l’être. Nos âmes se confondraient ; elles s’uniraient sur nos lèvres brûlantes. Ah ! cher Verland, pourquoi n’es-tu pas ici ? Quelles délices ! L’amour en inventerait pour nous, je me livrerais à tout ce que la passion m’inspirerait. Mais, hélas ! reprenais-je, pourquoi m’abuser par une si douce illusion ? Je suis seule, hélas ! je suis seule, et, pour comble de douleur, je tiens dans mes mains une ombre, une apparence de plaisir, qui ne sert qu’à augmenter mon désespoir, qui m’inspire des désirs sans pouvoir les satisfaire. Instrument maudit, continuai-je, en apostrophant le godmiché et en le jetant au milieu de la chambre avec rage, va faire les délices d’une malheureuse à qui tu peux servir ; tu ne feras jamais les miennes : mon doigt vaut mille fois mieux que toi ! J’y eus aussitôt