Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/57

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recours et me donnai tant de plaisir, que j’oubliai la perte ceux que je m’étais promis d’avoir avec le godmiché. Je tombai épuisée de lassitude et m’endormis en pensant à Verland.

Je ne me réveillai le lendemain que fort tard ; le sommeil avait amorti mes transports amoureux ; mais n’avait rien changé à la résolution que j’avais prise de sortir du couvent. Les mêmes raisons qui m’avaient déterminée à prendre cette résolution me firent encore sentir avec plus de force la nécessité de l’exécuter. Je me regardai dès lors comme libre, et le premier usage que je fis de ma liberté fut de tranquilliser au lit jusqu’à dix heures. La cloche eut beau sonner, je ne parus pas. Je m’applaudissais du dépit que ma désobéissance devrait causer à nos vieilles. Je me levai à la fin, je m’habillai ; et pour me mettre dans l’obligation de suivre mon dessein, je commençai par déchirer mon voile de pensionnaire, que je regardais comme une marque de servitude. Je me sentis le cœur plus libre ; il me semblait que je venais de franchir une barrière qui jusque-là s’était opposée à ma liberté. Mais comme j’allais et je venais dans ma chambre, ce maudit godmiché se présente encore à mes yeux. Cette vue me rend immobile ; je m’arrête, je le prends ; je vais m’asseoir sur mon lit, je me mets à considérer l’instrument. Qu’il est beau ! disais-je en le prenant avec complaisance dans la main, qu’il est long, qu’il est doux ! C’est