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mystérieux et de portes dérobées que j’incline à croire que la maison avait été bâtie par quelque conspirateur ou par quelque croquemitaine des vieux temps.

Il me prenait parfois des terreurs sans nom quand je traversais les longs couloirs intérieurs sur lesquels pouvaient s’ouvrir instantanément quatre ou cinq portes, d’où mon imagination voyait par avance surgir des fantômes de toutes couleurs et de toutes dimensions.

Ce n’était au reste pas sans motifs plausibles que mon esprit évoquait ces sinistres apparitions. J’avais ouï conter de lugubres histoires touchant notre logis. Des prêtres traqués par les révolutionnaires s’étaient réfugiés dans cette maison, et l’on disait que l’un d’eux était mort de faim dans un des cabinets noirs où nous logions notre charbon. Plus tard, les Autrichiens, l’épouvante de mon enfance, occupèrent quelque temps cette habitation. Enfin, que sais-je encore ?… Tant il y a que j’avais bien peur lorsque la nuit tombait, et que, malgré le feu clair de la cheminée et la lueur des lampes à verres dépolis, le grand salon rouge gardait des coins mal éclairés.

Cependant, quels que fussent ses inconvénients, la maison Panissot était du haut en bas bondée de monde, et quelle variété de locataires ! Il y en avait de toutes conditions, de tous rangs, de tous caracteres commerçants, rentiers, gens d’affaires, ouvriers, riches, pauvres, vieux, jeunes, grincheux ou