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gais, mariés ou célibataires, une vraie fourmillière.

Tout ce monde vivant côte à côte, se connaissant, se coudoyant, échangeait un salut respectueux ou amical, un bonjour affectueux. Voisins et voisines s’intéressaient les uns aux autres. On savait que le petit dernier de la blanchisseuse du cinquième avait la coqueluche, que la chatte de la proprié taire s’était cassée la patte, que le fils du confiseur avait eu trois prix au collége, et cent autres nouvelles toutes aussi palpitantes d’actualité.

Quelle simplicité et quelle bonhomie dans les rapports entre tant de gens divers ! Chacun, tout en gardant son rang, savait s’élever ou s’abaisser à propos pour prêter son aide et donner un conseil à celui qui en avait besoin.

Sans connaître, même de nom, les doctrines républicaines que certains écrivains prônent actuellement, presque tous les vieux Savoyards d’alors pratiquaient ces principes de solidarité morale, base de la seule égalité possible et durable.

Ce qui plus que toute chose contribuait à la conservation de cette harmonie générale, c’était l’absence de luxe extérieur de la part de la classe aisée. Le pauvre n’avait que bien rarement à s’écarter de sa route pour laisser passer un équipage fringant ou un couple enrubanné. L’enfant de l’ouvrier ne perdait pas des heures entières à couver envieusement du regard les devantures des magasins à la mode, et les gentilles ouvrières en robe d’indienne et bonnet blanc ne suivaient pas encore