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les grandes dames pour essayer de s’incruster dans la mémoire le relevage d’une jupe ou le savant échafaudage d’une coiffure excentrique.

Alors, nos mères étaient simples et gardaient toute leur sollicitude et leurs préoccupations pour le bien-être intérieur. Il y avait telle maison où l’on aurait pu tenir cheval et voiture, où femmes et jeunes filles eussent pu se vêtir de velours tous les jours de l’année, qui n’achetait pas pour deux cents francs par an de pâtisseries et de gibier. Mais, en revanche, comme les grandes armoires étaient remplies de beau linge, comme le caveau était garni de bouteilles poudreuses, et quelle plantureuse hospitalité on offrait aux amis, non pas à des intervalles de plus en plus rares, mais à tout venant, mais toujours !

Et sur ces tables abondamment servies, si l’on ne voyait pas comme aujourd’hui cette recherche du clinquant, ce souci de l’esbrouffe, on savait au moins que la vieille argenterie, quelque peu noircie et bossuée, ne contenait pas un atome d’alliage et surtout ne devait rien à personne.

Parmi les vingt-huit ménages de la maison Panissot, grand’mière s’était formé un cercle d’intimes au milieu duquel nous vivions à l’aise et sans cérémonie. J’avais trouvé peu de compagnons de jeu dans ces familles presque toutes composées de personnes d’un âge plus que respectable, mais je n’en menais pas moins l’existence la plus libre et la plus émaillée de distractions de toutes sortes.