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vivait séparé de sa femme, dans une propriété qu’il possédait près d’Evian.

Oh ! que de larmes le récit de ses méfaits amoureux arrachait à la sensible dame ! Lorsqu’elle ouvrait son cœur à grand’mère, et cela arrivait neuf fois la semaine, elle en avait pour deux heures à parler, tantôt bas si j’étais là, tantôt avec des notes aigres et irritées ressemblant au grincement monotone et intermittent d’une porte roulant sur un gond rouillé.

Le principal grief de Madame Panissot contre son volage époux était de ne l’avoir jamais comprise. Elle avait dû, disait-elle, refouler sans cesse les trésors d’affection dont son cœur était plein, afin de s’éviter les sarcasmes grossiers de cette âme vulgaire… C’était là un de ces crimes conjugaux qu’une femme ne pardonne pas, et la bonne dame moins que toute autre.

Pour employer cette force aimante restée longtemps inactive, l’excellente créature émiettait çà et là, sur les gens, les bêtes et les choses cette passion rentrée dont elle ne savait que faire. Son appartement, par exemple, était une vraie ménagerie. Toute une population miaulante et piaulante y faisait de l’aube à la nuit un tintamarre à ne pas s’entendre. J’étais moi-même l’objet d’une de ses toquades sentimentales et j’occupais un rang très-honorable dans ses affections : elle m’aimait un peu moins que Friponne la chatte blanche, mais beaucoup plus que Grincheuse la belle perruche américaine.

Oh ! que de friandises je lui coûtais ! Volontiers