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rences ; il ne se passait pas, en effet, de semaine où il n’y dinât une fois ou deux.

Dans ces occasions, Mademoiselle Philomène daignait s’occuper des menus détails de la réception. Elle connaissait les goûts, les habitudes, les manies, les caprices de ce grand esprit, et mettait tout sens dessus dessous pour les satisfaire. Zalie, sa sœur, avide des compliments que le pieux gourmand ne manquait pas de lui prodiguer, passait son temps à méditer des surprises gastronomiques toujours parfaitement accueillies. L’éminent Chavasson était en plein le fétiche de la famille Saucaz. Il y avait dans la maison tels meubles, telles pièces d’argenterie ou de vaisselle consacrés uniquement à l’usage du directeur de Mademoiselle. On disait le fauteuil de Monsieur le chanoine, le verre, le bol, la tasse de Monsieur le chanoine, et Colline, pensant faire œuvre pie, usait brosses et torchons à l’entretien de toutes ces reliques.

Il est juste de dire que le vénérable directeur avait un merveilleux talent pour tenir en haleine tout ce monde de cagots. Jugez-en : Il avait su persuader la future Bienheureuse qu’elle devait mettre à profit ses célestes inspirations pour composer un catéchisme ! Oui, vraiment, un catéchisme par demandes et par réponses, avec annotations, amplifications et éclaircissements à l’usage des âmes troublées et hésitantes. Je puis vous en parler savamment, puisque j’ai collaboré à cette œuvre dont, hélas ! j’ignore absolument la destinée.