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Voici en quoi consista ma très-modeste coopération : Je savais les quatre parties du catéchisme diocésain mieux qu’un diacre de Notre-Dame, et même je commençais très-bien à argumenter sur quelques points scabreux de là doctrine, comme qui dirait la grâce sanctifiante et le mystère de la Sainte Trinité sur lequel je ne bronchais pas.

La Sainte mettait à profit, à la fois, ma mémoire et ma candeur d’enfant : retournant de cent façons une demande, elle espérait provoquer une réponse ingénue et sincère sur l’interprétation de certains passages obscurs. Ces séances de casuistique se renouvelaient fréquemment, surtout l’hiver, durant ces longues soirées froides et tristes où la bise gémissait dans la cheminée, où la pluie fouettait les vitres et ruisselait à flots sur le pavé de la grande cour. Tous les habitués des réunions du soir nous entouraient, et, suivant la bonne volonté que je mettais à ressasser mes explications, grand’mère me glissait dans la main une pastille de chocolat ou un pruneau que je grignotais dans les moments de répit.

Pauvre livre en herbe, qu’est-il devenu ? où sont allés jaunir ces feuillets gribouillés, surchargés, raturés à toutes les lignes, dont chacun s’entretenait autour de la docte demoiselle ?

Je me souviens combien j’étais fière lorsque j’entendais affirmer qu’il ferait la gloire du siècle et tout particulièrement celle de notre cher pays. Hélas ! hélas ! pauvre livre, qu’es-tu devenu ?

Nous voyions aussi très-souvent M. Crozat, le