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On nommait cette pièce la chambre de l’allée. Construite en effet sur le passage voûté conduisant à la rue, elle ne faisait point partie l’appartement. L’unique fenêtre qui l’éclairât, donnait du côté opposé à celles de notre logis. De là je pouvais voir toute la partie de la maison Panissot affectée aux cuisines et à leurs dépendances, et de plus la façade intérieure du bâtiment voisin appartenant à M. Antoine Guichet, greffier au Tribunal civil.

À vrai dire, c’était un lieu bien sombre que celui où je passais de si bons moments. Jamais le soleil n’entrait là le matin, le faîte des toits voisins l’empêchait d’ÿ pénétrer le soir, ses rayons tournés du côté de la rue éclairaient seulement les étages supérieurs placés à ma droite mais cela ne m’empêchait point d’aimer mon petit domaine.

Parfois, lorsque j’avais assez joué, assez sauté, assez lu mes beaux livres de contes, je me mettais à la croisée et j’inspectais le voisinage. Il y avait beaucoup à voir. D’abord, les allées et venues des locataires des deux maisons, les combats acharnés des rats d’égouts se disputant les épluchures de légumes que l’on déposait le soir sur le bord de la rivière coulant tout au fond de l’allée puis le mouvement intérieur de chaque ménage, les conversations échangées entre les cuisinières de tous les étages ; enfin les agaceries et les farces grossières qu’avaient à subir les bonnes du quartier, de la part des mitrons du père Minot.