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autant que les barreaux le lui permirent et me dit d’une voix basse et cassée :

Ma chère demoiselle, ma petite Nancy ne peut pas vous répondre, elle est muette !…

Ces mots me firent froid par tout le corps. Muette toute petite comme elle était !… cela devait être affreux… ne pouvoir rien, rien, rien dire !… c’est bon lorsque l’on est grand, que l’on va et vient sans l’aide de personne, ou bien quand on est vieux et que l’on a parlé avant… mais à cinq ou six ans !… Je ne comprenais pas comment on pouvait y tenir. Toutes ces pensées affluèrent à la fois à mon cœur et à ma tête ; j’avais envie de pleurer. Aussi fut-ce d’un grand élan que je dis à la vieille bonne qui continuait caresser la fillette :

Oh ! Mademoiselle, s’il vous plaît, amenez Nancy chez grand’mère, je jouerai avec elle et je lui prêterai tout…

J’allais terminer ma phrase lorsque, soudain, la gouvernante se retourna vivement comme surprise par la venue d’une personne, et, me faisant à la hâte un signe d’adieu, elle posa l’enfant à terre et ferma brusquement la croisée.

Qu’était il arrivé ? je ne le savais pas, mais je pensais que sans doute la folle, étant rentrée inopinément dans la chambre, avait effrayé la servante habituée à redouter les violences de sa maîtresse. J’attendis un instant, espérant revoir mes nouvelles connaissances, mais ce fut inutilement. Alors, toute fiévreuse et toute remuée par ce que je