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Tout d’un coup, je vis poindre la figure refrognée de la bonne derrière l’épaule de l’enfant. Je fus prise de peur en songeant que la pauvre petite créature allait être battue par cette méchante femme.

J’attendis anxieuse… La borgnesse toucha le bras de la fillette, celle-ci tressauta en se retournant puis, quelle fut ma surprise de voir ces deux êtres si dissemblables se sourire mutuellement, la — vieille soutenant le corps frêle de l’enfant, celle-ci entourant d’une main le cou de sa bonne et montrant de l’autre la fenêtre où je restais muette et ébahie.

La gouvernante comprit sans doute sans explication ce qui s’était passé, car, s’avançant quelque peu, elle fit de la tête un signe qui pouvait se prendre pour un salut puis un colloque étrange s’établit entre mes deux voisines, l’une gesticulant et poussant de petits cris inarticulés, l’autre répondant de son mieux du regard, des lèvres et des mains, sans que je pusse comprendre autre chose que toute cette pantomime me concernait. À la fin, rassurée par l’attitudepacifique de la gouvernante, je me hasardai à renouveler ma tentative de conversation…

— Mademoiselle, dis-je en m’adressant cette fois à la vieille, pourquoi votre petite ne veut-elle pas me parler ?

La borgnesse promena circulairement son œil du haut en bas des maisons voisines pour voir si personne n’écoutait aux fenêtres ; rassurée par cette rapide inspection, elle se pencha de mon côté