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conduire à la maison, où elle serait la bien-venue. J’invoquai sur ce point le témoignage de bonne-maman, laquelle s’était approchée pendant que je débitais mon invitation.

La bonne, prenant son air le plus souriant, et sans me répondre directement, fit à grand’mère une révérence respectueuse, en lui disant :

— Madame, vous avez-là une petite fille bien honnête. Oh ! comme elle a bon cœur !

On comprend que la conversation engagée sur ce ton ne pouvait qu’être pleine d’aménité des deux parts.

Cependant la servante ne voulut point me promettre la visite de Nancy, m’assurant que Madame Gaud ne la permettrait pas ; que pourtant, si cela était possible, je ferais bien plaisir à cette pauvre dame en allant quelquefois tenir compagnie à sa petite fille, qui était un vrai petit agneau du bon Dieu, bien tranquille et bien malheureux aussi d’être comme ça privée de la parole. Sur ce, nous nous séparâmes, croyant nous revoir bientôt.

Vous savez ce que c’est que le courant journalier de la vie : souvent l’on se dit « À demain ! » et des mois se passent sans que la promesse soit tenue.

C’est ce qui arriva cette fois là. Pour je ne sais quelle raison nous dûmes aller à la campagne le lendemain de cette rencontre, et je restais trois semaines sans revenir à Chambéry. Mais toujours, toujours je pensais à la petite Nancy, qui ne parlait pas et qui demeurait dans cette haute maison noire,