Page:Gex - Vieilles gens et vieilles choses (1885).pdf/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 134 —

ces cadres et juste dans l’entre-bâillement des tentures, une croix de bois noircie s’appuyait au mur.

Enfin, en avant de chacune de ces espèces de chapelles mortuaires, des piles d’énormes rondins de chêne se dressaient en carrés symétriques, revêtues d’emblèmes funéraires.

Dans le milieu de ce singulier salon, on avait disposé, comme à l’ordinaire, des fauteuils, des chaises et un guéridon recouvert d’un large tapis.

Je ne sais pas au juste ce que pensait bonne-maman en entrant dans cette lugubre pièce, mais je me rappelle très-bien que je n’avais plus du tout envie de babiller et que j’oubliai complétement être venue là pour jouer avec une fillette de mon âge.

Dès qu’elle nous aperçut, Madame Gaud se leva de son siége et vint au-devant de nous, tenant la petite Nancy par la main. Celle-ci, rouge et souriante s’enveloppait dans la robe très-ample de sa grand’mère, heureuse et craintive à la fois de se trouver en présence de personnes jusque là étrangères pour elle.

Bonne-maman expliqua sa visite par la raison du voisinage et aussi par le désir que je témoignais de faire la connaissance d’une nouvelle compagne de jeu. La pauvre dame essaya d’exprimer le plaisir qu’elle éprouvait à nous recevoir, mais les paroles arrivaient confuses à ses lèvres et l’on sentait l’effort qu’elle devait s’imposer pour fixer sa pensée.

Mon Dieu, que cette femme faisait peine à voir ! Elle avait dû être d’une taille au-dessus de la