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par un geste ou par un regard le sentiment qu’elle ressentait, elle poussait un cri aigu et répété, semblable au chant de certains oiseaux. Marguerite, toujours attentive et ne perdant pas un seul de ses mouvements, devinait souvent sa pensée ou son désir. Alors l’enfant lui souriait amicalement et redevenait tranquille.

Pendant que je déballais, une à une, toutes les pièces du ménage que j’avais apporté, et que Nancy sautait de joie en les prenant délicatement de mes mains pour les ranger sur le guéridon, la conversation s’était établie entre Madame Gaud et grand’mère. Celle-ci essayait d’encourager la pauvre femme à sortir un peu, ne fût-ce que pour faire respirer l’air à cette chère fillette qui devait en avoir besoin. J’étais trop occupée pour prendre garde à la suite du dialogùe ; pourtant je ne pouvais m’empêcher de regarder à la dérobée les gestes saccadés et la figure si mobile de la vieille dame. À chaque instant, elle se tournait du côté de l’un de ces cadres voilés et paraissait lui adresser des signes ou des paroles inintelligibles pour tout autre qu’elle-même.

La gouvernante, jugeant sans doute que notre présence fatiguerait sa maîtresse, nous invita à la suivre dans la chambre à côté. Je quittai avec plaisir ce lieu où j’avais peur malgré moi, et nous nous installâmes dans la pièce où dormait le gros chat blanc.

Il y avait à peine un quart d’heure que nous