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Je la regardai avec crainte, croyant lui retrouver la même expression égarée qui m’avait épouvantée un moment auparavant mais non, elle s’était calmée quelque peu, et ce fut d’un ton très doux qu’elle adressa ces paroles à grand’mère qui prenait congé d’elle :

— Merci, Madame, de votre bonté pour moi. Maintenant que je vous connais, je ne craindrai pas de vous confier quelquefois ma petite fille. Vous reviendrez aussi, n’est-ce pas ? insista-t-elle en serrant la main que lui tendait grand’mère. Puis, tout d’un coup, elle se retourna vers le salon paraissant écouter une voix que seule elle entendait.

— Ils rn’appellent, ils m’appellent… ! prononçat-elle très-vite, et, se dirigeant vers la porte, elle l’ouvrit et disparut.

Pendant tout le temps que dura cette scène, Nancy était restée cramponnée au bras de Marguerite, pâle et les yeux agrandis. N’entendant rien, ne comprenant rien à ce qui se passait, elle ne voyait que le bouleversement des traits de sa grand’mère et devait en être effrayée, malgré la fréquence des retours de pareilles crises. La vieille bonne la couvrait de caresses. J’essayais moi aussi de la distraire, mais son chagrin recommença quand elle vit que nous allions partir. Ce ne fut que lorsque Marguerite put la convaincre que je reviendrais et que, d’ailleurs, je laissais à sa disposition une partie des jouets, qu’elle cessa de pleurer.