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de toutes nos peines : vous verrez que c’est bien toujours et partout que les chagrins ne viennent pas seulement d’eux-mêmes, et que si on pouvait savoir se conduire quand on est jeune, on ne pleurerait pas tant lorsqu’on est vieux !…

Depuis tous les temps, mes parents tenaient en ferme le bien des messieurs Gaud. Monsieur Philippe, le grand-père de la petite qui est là, était mon frère de lait ; son père et sa mère n’avaient que lui d’enfant et ils l’aimaient comme leurs yeux. Moi je suis entrée dans la maison que mes huit ans n’étaient pas finis. Vous voyez que je pouvais bien avoir de l’attachement pour mes maîtres, d’autant que toute leur vie ils m’ont soignée comme leur propre enfant.

Quand Monsieur Philippe fut grand, il voulut devenir médecin. Son père n’aimait pas cet état, mais lui tint bon, et, au bout de six ou sept ans, il revint chez nous instruit et capable pour tout ce qui était de sa profession. Tout le monde l’honorait ; on l’appelait « Monsieur le docteur » gros comme le bras, et sa mère aurait bien voulu le garder à Chambéry où nous étions allés demeurer depuis trois ans. Mais lui avait son idée : depuis qu’il était en âge de se reconnaître, il s’était mis dans la tête d’épouser sa cousine Mademoiselle Geneviève Desroches, la fille du frère de notre dame.

Ce monsieur était médecin aussi, dans un pays du côté de Genève qu’on appelle Saint-Gervais-les-